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URGENCE

Un médicament révolutionnaire dans la gestion des intoxications – Les émulsions intralipidiques

20/12/2023 4 min

Les intoxications représentent l’une des causes les plus fréquentes de consultation d’urgence en médecine vétérinaire. Les causes d’intoxication peuvent être très variées chez le chien et le chat (paracétamol, chocolat, ail, oignon, raisin, certaines plantes, etc..).

La prise en charge médicale en urgence dépend fortement de l’origine de l’intoxication, si celle-ci a pu être déterminée.

De manière générale, s’il s’agit d’une intoxication par voie orale, il est possible (si l’animal est présenté assez rapidement) de le faire vomir afin de limiter la quantité de toxique absorbée par l’organisme. Un traitement associant l’administration charbon actif par voie orale (pour éviter le passage de la molécule toxique du tube digestif vers la circulation sanguine) et une hospitalisation sous perfusion peut également être proposé en fonction de la sévérité de l’intoxication.

Si l’intoxication est plutôt liée à un contact avec un produit toxique (administration d’un antiparasitaire inadapté, contact avec des chenilles processionnaires, des crapauds, etc..), l’hospitalisation sous perfusion, entre autres procédures médicales dépendant du toxique en question, est fortement recommandée pour surveiller l’animal et lui permettre d’éliminer plus rapidement la molécule de l’organisme.

Depuis quelques années, un traitement supplémentaire est disponible pour la prise en charge de certaines intoxications. Il s’agit des émulsions intralipidiques. Dans cet article, nous vous présentons toutes les informations à connaître à propos de cette nouvelle option thérapeutique en urgence vétérinaire.

  1. Généralités à propos des émulsions intralipidiques

    Les émulsions intralipidiques sont utilisées depuis les années 70-80 dans le cadre de la nutrition par voie parentérale (essentiellement intraveineuse) en médecine humaine et, dans une moindre mesure, en médecine vétérinaire. Elles permettent d’apporter des lipides aux patients ne se nourrissant plus de manière spontanée, afin de couvrir leurs besoins énergétiques et leurs besoins en acides gras essentiels.

    Plus récemment, un nouvel intérêt thérapeutique a été découvert car les émulsions intralipidiques semblent agir comme antidotes lors d’intoxications par des molécules lipophiles. La lipidothérapie est désormais régulièrement utilisée en médecine vétérinaire.

    L’administration d’une émulsion intralipidique par voie intra-veineuse est en effet une nouvelle opportunité permettant de prendre en charge certains types d’intoxications chez le chien et le chat, avec des effets bénéfiques attendus bien plus importants que toutes les prises en charge connues jusqu’alors.

    On constate notamment :

    • Une nette amélioration de l’état clinique général de l’animal intoxiqué ;
    • Une diminution significative de la durée d’hospitalisation.

    De plus, il s’agit d’un traitement très facile à administrer et relativement peu coûteux. La découverte de cette alternative thérapeutique constitue une véritable révolution dans la prise en charge des patients ayant subi une intoxication.

  2. Dans quel cas utilise-t-on les émulsions intralipidiques ?

    Les traitements par émulsion intralipidique sont utilisés dans la gestion des intoxications par des substances dites « lipophiles », qui peuvent être responsables de symptômes sévères et notamment de troubles du rythme cardiaque.

    L’emploi de ce traitement est justifié si la molécule toxique est lipophile et possède une demi-vie courte (inférieure à 24 heures). La demi-vie correspond à la durée nécessaire pour que la quantité de molécule dans le sang ait diminué de moitié. Ce traitement ne convient pas pour les substances lipophiles ayant une demi-vie très longue comme la vitamine D ou les molécules anticoagulantes contenues dans les raticides.

    Les cas les plus fréquents d’utilisation d’émulsions intralipidiques sont :

    • Intoxication à la perméthrine chez le chat : molécule contenue dans de nombreux traitements antiparasitaires externes par pipette chez le chien. Cette molécule est très toxique pour les chats. Elle provoque l’apparition de troubles neurologiques très sévères (tremblements musculaires, convulsions, coma) et conduit parfois au décès de l’animal. Une étude rapporte que la durée d’hospitalisation passe de 3 jours en l’absence de lipidothérapie à 24h lors de la mise en place d’émulsions intralipidiques.
    • Intoxication par ingestion accidentelle de cannabis ;
    • Intoxication par ingestion accidentelle ou surdosage de traitements anti-inflammatoires non-stéroïdiens ;
    • Intoxication par ingestion accidentelle ou surdosage de traitements antipsychotiques ;
    • Intoxication par ingestion accidentelle ou surdosage de myorelaxants ;
    • Intoxication par ingestion accidentelle ou surdosage de traitements de régulation de la pression artérielle ;
    • Intoxication par utilisation de lactones macrocycliques (médicaments antiparasitaires) sur un animal intolérant ou sensible (de race prédisposée à la mutation génétique MDR-1).
  3. Comment fonctionnent les émulsions intralipidiques ?

    Le mode d’action de ce traitement n’est pas parfaitement connu. Deux théories ont été proposées :

    • La théorie du « piège lipidique » : cette théorie part du principe que la création d’un compartiment lipidique dans la circulation sanguine attire les substances lipophiles en leur sein et les empêche d’entrer en contact avec leurs récepteurs cellulaires. Ainsi, les molécules ne peuvent pas exercer leur effet toxique sur l’organisme ;
    • La théorie métabolique : cette théorie propose que les lipides permettent de diminuer l’effet cardiotoxique de la molécule en apportant aux cellules du myocarde (le muscle du cœur) une source d’énergie supplémentaire lui permettant de lutter contre l’intoxication.
  4. Existe-t-il des effets indésirables aux émulsions intralipidiques ?

    L’immense majorité des prises en charge utilisant les émulsions intralipidiques a permis d’obtenir un succès thérapeutique.

    Les rares effets secondaires rapportés sont :

    • Apparition d’une phlébite (inflammation de la veine) au niveau du site d’injection ;
    • Apparition d’une hyperlipémie (augmentation du taux de lipides dans le sang) au niveau du bilan sanguin, sans que cela ne semble porter préjudice à l’animal.

    Il semble donc, à l’heure actuelle, que ce traitement révolutionnaire devrait être envisagé en première intention chez tous les animaux gravement intoxiqués par une substance lipophile.